Energies renouvelables : sans réalité, pas de crédibilité.
UNE TRIBUNE PARUE SUR LE SITE DU JOURNAL LIBERATION A LIRE ICI.
Par Isabelle Autissier, Présidente du WWF, Audrey Pulvar, Fondation pour la nature et l’homme, Pierre Perbos, Président de Réseau action climat France, Michel Dubromel, Président de France-Nature-Environnement et Marie-Laure Lamy, Coprésidente du CLER Réseau pour la transition énergétique — 11 décembre 2017 à 12:34.
A la veille du sommet sur le climat réuni sur l’île Seguin, les responsables de cinq grandes organisations pour la planète demandent à Emmanuel Macron de lever les freins qui entravent encore la transition énergétique.
Alors que la France s’apprête à accueillir le sommet sur le climat voulu par le président de la République, commençons par balayer devant notre porte en matière de transition énergétique. En effet, championne des engagements internationaux sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre, la France est aussi l’un des quatre plus mauvais élèves européens pour ce qui est du développement des énergies renouvelables, et l’on sait déjà qu’elle sera loin de respecter ses propres engagements à l’horizon 2020.
Quand l’Allemagne installe chaque année plus de sept gigawatts d’éolien terrestre et de photovoltaïque, la France peine à en déployer deux, alors même qu’elle dispose des gisements les plus importants d’Europe pour l’ensemble des filières. Vent, soleil, cours d’eau, zones littorales, forêts, biomasse sous toutes ses formes : autant de cadeaux de la nature dont la France est riche !
Nos voisins européens ne nous ont pas attendus pour enclencher la révolution énergétique : la Suède couvre par des sources renouvelables 53 % de tous ses besoins en énergie, tandis que plus au sud, le Portugal fait de même pour 52 % de son électricité avec chaque année des périodes de plusieurs semaines où les renouvelables avoisinent les 100 %. Alors que d’autres pays comme le Danemark, visent les 100 % renouvelables en 2050, la France, elle, plafonne à moins de 16 % en 2016, guère plus que ce qu’elle faisait déjà il y a dix ans, et surtout encore loin des 23 % auxquels elle s’est engagée pour 2020. Comment expliquer que, malgré les atouts majeurs et les compétences technologiques reconnues dont elle dispose, la France soit autant à la traîne ?
Conséquence de l’opposition à la décentralisation énergétique des acteurs dominants du système actuel, elle n’a pas su ou pas voulu mettre en place un cadre réglementaire et une politique de soutien stables et efficaces : entre errements et changements permanents, les freins au développement des énergies renouvelables ont été d’une redoutable efficacité.
Aujourd’hui les acteurs locaux heureusement se réveillent : depuis les fameux territoires à énergies positives (Tepos) ancrés dans les zones rurales jusqu’à des régions entières comme l’Occitanie ou la Bourgogne-Franche-Comté en passant par la Ville de Paris, ils n’hésitent pas à se projeter vers le «100 % renouvelable». Pour cela, ils misent sur la baisse de moitié de la consommation à confort équivalent, grâce aux gains en efficacité, et sur la maturité avérée des technologies renouvelables qui en font désormais les filières les plus compétitives en Europe et dans le monde.
Au moment où le président de la République affirme vouloir faire de la lutte contre les changements climatiques sa priorité et en revendique le leadership mondial, il ne peut, s’il ne veut pas faire manquer à notre pays le train de la transition énergétique, qu’enclencher les efforts immédiats pour lever les freins au développement des énergies renouvelables.
Un cadre réglementaire simplifié et stable, la levée des contraintes injustifiées telles que les zones radar militaires, des mécanismes de soutien bien dimensionnés dont les évolutions sont prévisibles, des objectifs ambitieux et à long terme, un appui spécifique à l’émergence de projets portés par les collectivités locales et les citoyens, le doublement du fonds chaleur : voilà ce dont il y a besoin pour déclencher des investissements massifs, lutter au mieux contre le changement climatique et soutenir le développement économique des territoires.
Nous attendons de M. Macron, à l’occasion du One planet summit, qu’il fasse des énergies renouvelables une priorité nationale et qu’il soutienne leur développement au niveau européen en relevant l’objectif renouvelable en Europe et en le déclinant de manière obligatoire dans chaque Etat membre.